La télé-réalité, qui navigue depuis dix ans entre trash, fric et eau de rose, brouille encore davantage les frontières entre la vraie vie et sa représentation avec "Carré Viiip", course à la notoriété que TF1 diffuse depuis le 18 mars.
Principe de "Carré Viiip": confronter huit ex-héros de la télé-réalité et huit anonymes. Celui qui rassemblera le plus de fans, en faisant le plus de buzz possible, gagnera un chèque de 150.000 euros.
Petite nouveauté, les candidats sortent de leur loft pour mesurer leur célébrité. "Ils ne sont plus prisonniers d'une cage, mais en sortant ils restent prisonniers des caméras qui vont les filmer pour voir si leur notoriété augmente", analyse Michel Eltchaninoff, philosophe et auteur de "L'expérience extrême" (Don Quichotte Editions). Pour lui, Endemol, le géant de la télé-réalité et producteur de l'émission, a trouvé une manière de brouiller un peu plus les frontières entre le studio télé et la vraie vie.
Il y a dix ans sur M6, "Loft Story" était très vite devenu un phénomène de société, suscitant maints articles, jusque dans Le Monde. "Avec +Carré Viiip+, la notoriété est intégrée dans le jeu, elle est le jeu en lui-même, la réaction-même au jeu fait partie du jeu", souligne Michel Eltchaninoff.
Une des particularités de la télé-réalité est la mise en place d'une stratégie de communication très élaborée. "Carré Viiip" se positionne comme un générateur de commentaires, il s'agit de "faire parler à tout prix, de faire en sorte que les médias soient eux-mêmes amenés à couvrir l'événement", renchérit Valérie Patrin-Leclère, maître de conférences au Celsa Paris-Sorbonne.
"On exploite explicitement toutes les ficelles du genre, on n'est plus du tout dans le faux-semblant de 2001 avec son prétexte sociologique et son encadrement d'experts", note-t-elle.
Selon elle, avec "Carré Viiip", "on revendique le genre télé-réalité de manière totalement décomplexée, on profite de sa dimension sulfureuse et on met en scène la vanité de la médiatisation des pseudo-stars".
Pour Virginie Spies, maître de conférences à l'université d'Avignon, le concept n'est pas nouveau, "c'est juste une nouvelle déclinaison du genre et donc du marketing". Les ressorts sont d'ailleurs les mêmes - l'argent, la gloire, la rivalité, les stars - que pour d'autres.
"Mais nous sommes dans une vraie logique de transmédia où le produit se décline à la télé, sur le web, dans la presse, ce qui permet de lui imaginer un avenir", ajoute-t-elle.
Compliqué de renouveler le genre. "Il y a une volonté de se recentrer sur ce qui est positif et familial. Difficile alors de faire avaler encore plus de cafards à des gens et de faire encore plus trash !", relève Michel Eltchaninoff.
Mais la télé-réalité semble avoir encore de beaux jours devant elle. Le philosophe insiste sur cette volonté des producteurs "de faire de nous tous des candidats potentiels en essayant d'estomper les frontières entre le spectacle et la vie".
"Ils vont essayer d'élargir encore l'emprise de la télé sur la société, l'idéal étant que le monde extérieur devienne un immense plateau télé. Nos rues sont truffées de caméras de surveillance, il ne manque plus qu'un metteur en scène", dit-il.
Par Marie-Dominique FOLLAIN
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